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Francis Danby deluge Tate Gallery

Question d’un visiteur :

Bonjour,

Tout d’abord un grand merci pour votre blog et ces nombreuses réponses à des questions que je me pose souvent.

Je fréquente depuis quelques temps une paroisse protestante qui lit la Bible de manière très littérale. Les gens sont formidables, très impliqués, et je dois dire que les lectures-études bibliques sont très bien faites. J’ai vraiment beaucoup réappris sur les fondamentaux de la foi chrétienne et sur le « plan de Dieu » contenu dans la Bible. Je leur en suis extrêmement reconnaissant.

Cependant je me tourne vers vous car il y a des prédications avec lesquelles j’ai quelques difficultés.

Par exemple aujourd’hui au culte, nous avons étudié le déluge et l’arche de Noé. En commentaire, le pasteur a parlé d’un fait historique et non pas d’un mythe. Sa légitimité vient aussi de Jésus puisqu’il en parle de sa propre bouche en Luc 17;26: « Comme cela s’est passé dans les jours de Noé, ainsi en sera-t-il dans les jours du Fils de l’homme. »

Quand je dis qu’on peut peut-être se limiter au symbole contenu dans l’histoire du déluge (« il y aura un jugement et Dieu doit punir les hommes pécheurs ») sans avoir à considérer que c’est un fait historique, j’entends alors les arguments suivants :
–> est que dans ce cas je remets en cause la parole de Jésus (cf passage de Luc)?? J’ai pris l’exemple du déluge, mais ça marche aussi avec Adam et Eve puisque Jésus en parle.
–> si Dieu a créé le monde, il peut se permettre de contrecarrer les lois naturelles auxquelles nous sommes habituées. J’arrive à le croire pour Jésus, sa résurrection et les miracles mais moins pour de vieux récits de l’ancien testament fortement mis en cause par la science.

Comme je n’ai aucune envie de virer « créationniste », j’aimerais avoir une réponse « libérale » aux arguments avancés. Même si je pense que mes amis de l’église vont me dire que les libéraux ont une lecture « arrogante » des écritures et qu’il faut rester fidèle à ce texte formidable.

Merci par avance pour votre temps,

Bien cordialement,

Réponse d’un pasteur :

Bonjour

A vrai dire, la lecture de ce type d’église n’est en général pas « littérale » non plus, mais en réalité « traditionnelle », c’est à dire suggérant une lecture qui est celle de l’église et qui est considérée comme seule respectant Dieu, la Bible et l’Esprit Saint.

Par exemple, bien de ces églises ne comprennent pas Jésus disant qu’il est la lumière du monde au sens littéral du terme, ce qui ferait de lui un champ de photons ou une onde électromagnétique. Mais pour ce verset, la lecture est au sens allégorique (ce avec quoi je suis bien d’accord), et curieusement, un récit comme celui du déluge ou du dialogue d’Eve avec un serpent qui parle seront par exemple obligatoirement pris au sens matériel, historique du terme.

Je ne porte pas un jugement de valeur, on a bien le droit de faire un club de personnes ayant la même interprétation des Ecritures. Ce qui est plus curieux, intellectuellement et spirituellement, c’est de penser que sa propre lecture est la seule vraie.

Il existe des « libéraux » qui ont de même une certaine interprétation unique qui serait la seule juste possible. A mon avis, c’est paradoxal d’appeler cela du libéralisme puisque la liberté d’interprétation des personnes est exclue de la même façon que dans n’importe quelle église dogmatique ou intégriste. Ce qui est appelé pudiquement du libéralisme est alors quelque chose comme du rationalisme, ce qui là encore est tout à fait légitime. Mais il n’en n’est pas ainsi dans notre église de l’Oratoire où chacun peut avoir son interprétation du moment que la personne est sincère et respectueuse des autres personnes. Il n’y a donc pas de réponse « libérale » unique à votre question. Mais une réponse personne que je veux bien essayer de donner en quelques mots.

La façon dont Jésus parle de Noé n’exclut pas du tout que ce soit un mythe, au contraire puisqu’il dit que ce qui se passe du temps de Noé parle du temps du Fils de l’Homme, c’est à dire les temps eschatologiques où nous sommes. C’est à dire que nous sommes Noé, sa famille mais encore l’humanité violente et aussi les animaux. Nous sommes aussi Adam et Ève et le serpent qui parle.

D’une façon générale, poser une alternative : soit c’est historique, soit c’est symbolique est un peu réducteur. Certains textes renvoient à un fait historique (par exemple l’existence de Jésus de Nazareth). Certains textes sont une mise en récit d’une vérité spirituelle sans vérité matérielle (par exemple Jésus lumière du monde), certains textes sont à la fois historiques et symboliques (par exemple, à mon avis, Jésus guérissant un aveugle).

A mon avis encore, je pense que « rester fidèle » à un texte comme le déluge n’est pas de le réduire à un fait historique. Il est très vraisemblable historiquement que tous ces récits d’inondations qui existent dans bien des cultures antiques ne reposent pas seulement sur du symbolique. Mais il n’empêche que de ce fait historique (qui ne m’intéresse pas particulièrement), la Bible a tiré une leçon géniale et c’est donc le sens symbolique qui m’importe pour en vivre aujourd’hui et m’ouvrir si possible au salut que Dieu veut nous donner. D’ailleurs, sans exclure le fait que la plupart des personnes de l’époque du Christ pensaient que c’était matériellement arrivé comme décrit dans la Genèse, la lecture allégorique de ce texte existait également. Et même sans doute des lectures allégoriques diverses. C’était même le propre de la culture juive de Jésus que d’accepter une multitude d’interprétations diverses du texte biblique.

Voir ensuite, si vous le désiriez une prédication que j’ai proposée sur ce texte et sur une interprétation allégorique qu’en propose l’apôtre Pierre dans une de ses lettres : https://oratoiredulouvre.fr/predications/dieu-sauve-noe-ses-enfants-et-des-animaux.php

Amitiés fraternelles

Réponse du visiteur :

Bonsoir,

Merci d’avoir pris le temps de me répondre si précisément, j’en n’en espérais pas tant: je ne suis après tout qu’un inconnu du Web !

Je me permets de vous solliciter une dernière fois j’espère: pouvez-vous m’aiguiller vers des ressources qui m’aideraient à répondre aux questions suivantes :

je n’arrive qu’à accepter un Dieu plutôt tout aimant que tout puissant, mais on me répond que si Dieu n’est pas tout puissant:

  • comment vais-je avoir la certitude qu’il y aura une nouvelle création et que le mal ne prendra pas le dessus?
  • est-ce que Dieu n’était pas toujours en contrôle lorsque Jésus est allé à la Croix ?
  • est-ce qu’en refusant l’idée d’un Dieu qui est puissant et qui juge même durement, est-ce que je ne cherche pas à me créer un Dieu qui m' »arrange » pour ne pas voir en face la réalité d’un jugement nécessaire au monde et ainsi occulter la nécessité d’un vraie repentance ?
  • Si le salut est universel, ou si il y a toujours quelque chose en nous à sauver même si on n’est pas croyant, où est alors l’urgence à évangéliser ?

Merci encore pour votre temps et vos explications

Réponse du pasteur :

Bonjour

Si l’on regarde de près les passages où il y a effectivement marqué que Dieu serait tout puissant, cela ne concerne que des passages qui évoquent la fin des temps, c’est à dire l’horizon de l’histoire. Alors, toute chose lui seront soumises. Ce qui veut bien dire que pour l’instant, dans l’actualité, Dieu est puissant mais pas tout puissant. Cela me convient bien. Donc, quand un enfant meurt de maladie dans des souffrances atroces ce n’est pas la volonté de Dieu mais malgré sa volonté que cela arrive. Ce n’est pas parce que nous n’aurions pas assez bien prié (quelle horreur de penser cela et pire encore de dire cela aux parents de l’enfant).

Mais dire que Dieu n’est pas tout puissant ne veut pas dire que Dieu ne serait pas puissant. Bien sûr. Il est une source d’évolution qui dépasse tout ce que nous pouvons imaginer.

Bien entendu, nous n’avons pas de « certitude » que Dieu prendra le dessus. Mais une confiance et une espérance. Dire plus serait à mon avis méconnaître les limites de notre humanité.

Non, Dieu n’était pas en plein contrôle quand Jésus va à la croix. Le projet de Dieu, selon Jésus dans la parabole des vignerons homicides était que son fils soit respecté. Il ne voulait pas que son fils soit massacré. Mais d’une défaite, Dieu a fait une plus grande victoire encore. Cela montre bien comment se manifeste sa puissance et non sa toute puissance.

La bonne nouvelle (l’Evangile) est que Dieu est un Dieu qui aime, donc un Dieu qui nous arrange.
La prédication menaçante fonctionne bien. On appelle cela une « pastorale de la peur » et c’est effectivement efficace pour dresser les paroissiens, les pousser par la menace et le chantage à croire ce que les responsables d’églises pensent, les pousser à bien pratiquer et surtout à bien verser ce que l’église leur dit comme argent ! C’est efficace mais c’est à mon avis nocif car la foi n’est pas une soumission mais une confiance, une sincérité. Or, il n’y a rien de pire que la menace et le chantage contre cela.

Oui, le salut est universel au sens où toute personne est gardée par Dieu. C’est ce que dit par exemple Jésus dans la parabole de la brebis perdue (Luc 15) où l’on voit le berger assurer qu’il retrouvera certainement même la plus perdue des brebis perdues. Toute personne est donc gardée par Dieu mais il y a besoin néanmoins d’être sauvé par Dieu. Son jugement n’est pas une sélection des personnes mais une purification de chaque personne pour garder le meilleur et une évolution de la personne pour poursuivre sa genèse et son épanouissement. Cela vaut donc le coup de se convertir, pour s’ouvrir à cet excellent service, et cela donne envie de témoigner de l’évangile afin que ceux que nous aimons puissent en profiter le plus vite et le mieux possible. Mais c’est donc motivé par la confiance et par l’espérance, non par la peur et la menace. On comprend pourquoi ce qu’apporte le Christ est appelé Evangile « Bonne Nouvelle » et non « Dernier Avertissement ».

Dieu vous bénit et vous accompagne

pasteur Marc Pernot

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3 Réponses à “Question : Déluge et lecture littérale de la Bible ?”

  1. Scott dit :

    Cher pasteur

    (J’ai essayé de l’envoyer à votre adresse de courriel, mais cela n’a pas fonctionné. Je ne sais pas pourquoi.)

    Merci pour votre site internet. Je suis un jeune locuteur d’anglais et je connais seulement un peu de français, alors je l’écris avec Google Translate. J’espère que vous pouvez comprendre mon message.

    Je vis dans une partie du monde où l’Église réformée / protestante est strintement calviniste. C’est assez conservateur et littéraire biblique.

    J’ai trouvé votre site web d’Oratoire lorsque j’ai été motivé à apprendre ce que les calvinistes originaux (huguenots) croient aujourd’hui à l’époque contemporaine.

    Merci – J’ai beaucoup appris et c’est extrêmement utile pour moi. Il est intéressant de voir que les protestants dans le lieu de naissance de Calvin ont progressé et deviennent plus libéraux, mais certains calvinistes dans les pays anglais restent encore rigoureusement aux enseignements de Calvin. Votre site web est une bouffée d’air frais pour moi.

    Mes questions:

    1. Au début, j’ai eu du mal à comprendre votre théologie. Ensuite, j’ai vu le lien sur votre site à votre mentor, Andre Gounelle. J’ai également lu son site. Est-il exact de dire que beaucoup de théologie protestante française aujourd’hui est influencée par Sebastian Castellion? Si je comprends monsieur Gounelle, French Reformed n’est pas seulement «Calviniste», c’est Calvin et Castellion dans un dialogue qui informe les croyances protestantes français maintenant. En outre, d’autres théologiens après Gounelle, les deux qui sont d’accord avec Calvin et construisent son travail, mais aussi ceux qui le critiquent, sont acceptés. Est-ce vrai?

    Personnellement, j’aime vraiment Castellion. Il avait raison de réprimander Calvin pour son rôle dans l’exécution de Servet. En outre, certains de l’écriture de Castellion (« Conseil Toa Desolate France ») se lisent comme un manifeste prématuré pacifiste, donc il était très courageux d’écrire pendant les guerres de religion françaises. Castellion se lit comme un homme moderne, surtout maintenant que de nombreuses églises voient la vraie lumière et commencent à revenir au pacifisme de l’église pré-Constantine.

    2. Est-ce que toutes les paroisses d’Eglise protestante unie de France sont assez libérales comme Oratoire du Louvre? Certains sont-ils encore plus conservateurs ou rigides calvinistes?

    3. Ma troisième question est historique: les huguenots précoces étaient-ils semblables aux puritains anglais? Connaissez-vous de nombreuses différences? Une différence que je sais est que les puritains en Angleterre et aux États-Unis ont interdit Noël à un moment donné, mais les huguenots français ont réussi à célébrer Noel. 🙂
    4. Les huguenots ont-ils évolué au fil du temps d’être strictement calviniste pour être plus libéral dans leur pensée? Comment et quand est-ce arrivé? Comment la faction libérale s’est développée?

    Merci beaucoup. Vos réponses m’aident parce que je suis calviniste mais je me sens beaucoup plus libérale que les personnes qui m’entourent. Quand j’ai d’abord littéralement Castellion il y a quelque temps, j’avais l’impression que, bien qu’il y ait beaucoup de bien dans ce que Calvin écrit, Castellion parle à beaucoup de mes préoccupations et j’étais excité de voir que votre église et Monqieur Gounelle sont influencés par des gens comme lui aussi . Peut-être que les calvinistes conservateurs anglophones doivent prendre des leçons de l’Église française pour être moins rigides et plus accepter les critiques de Calvin dans leurs propres rangs protestants.

    Christ soit avec vous, pasteur. Merci encore pour votre site.

    Cordialement amical,

    Scott

  2. Bonjour
    Nous ne sommes pas tellement tournés vers le passé. Ce que nous gardons de Calvin est plus sa démarche, c’est à dire l’élan de sincérité et d’intelligence, le mouvement de réforme, la formation des fidèles même les moins instruits à la lecture personnelle des écritures en faisant confiance dans l’Esprit donné à chacun, c’est une certaine relativisation de l’église et des rites comme des moyens au service de la la relation personnelle avec Dieu, des moyens utiles mais dans un sens désacralisés.
    Cela fait que nous ne sommes pas centrés sur ce qu’a pensé Calvin au XVIe, mais sur sa façon de penser et de prier. Nous ne nous disons donc pas « calvinistes » mais plutôt chrétiens réformés, en réalité chrétiens en réforme permanente.
    Non, toutes les paroisses de l’Eglise Protestante Unie ne sont pas comme l’Oratoire. Il y a autant de protestantismes que de paroisses, selon leur histoire et celle des hommes et des femmes qui s’y sont engagés. Je dirais schématiquement qu’il y a trois sensibilités : une tirant plutôt vers l’évangélisme (très schématiquement, progressiste sur la forme et réactionnaire sur le fond : la théologie, la morale et l’interprétation de la Bible), une plutôt classique (très schématiquement : réactionnaire sur la forme et le fond), et une progressiste (comme l’Oratoire : réactionnaire et même vintage sur la forme, progressiste sur le fond). Ces deux dernières formes existent plus ou moins depuis les origines de la Réforme protestante, à mon avis. Le côté progressiste étant effectivement bien représenté par Sébastien Castellion au XVIe siècle. Mais nous ne nous disons absolument pas disciple de Castellion, il est pour nous simplement une figure importante historiquement. Le côté progressiste a ensuite vécu par exemple avec l’académie protestante de Saumur, puis au siècle des lumières avec Bayle, Rousseau…

  3. Scott dit :

    Merci Monsieur Pasteur.

    C’est une réponse vraiment utile. Il est étrange que, dans le monde anglophone, Calvin ait été pris par des églises conservatrices qui se fixent sur lui. Ils ont parfois des esprits bloqués au 16ème siècle. (Voir les sites Web tels que PuritanBoard Forums ou Wee Flea blog pour des exemples de ce que je veux dire.)

    J’espère pouvoir visiter l’Oratoire si je suis à Paris à nouveau un jour. (Je suis allé au musée du Louvre quand j’étais là il y a quelques années, mais je ne savais pas que tu étais alors ou j’aurais assisté à un service. 🙁 )

    Je sais que certaines personnes de la faction anglo-catholique de l’Église anglicane sont un peu comme vous le décrivez – traditionnel dans le sens de la liturgie (hautement ritualiste dans leur cas) mais une perspective libérale. Le problème avec les Anglo-catholiques «libéraux» est qu’ils sont libéraux dans le sens d’être un mariage pro-homosexuel, etc. MAIS ils peuvent être hautement autoritaires. Ils prennent l’aspect «hiérarchique» du catholicisme, ce qui signifie que les choses sont centrées autour des évêques et les prêtres ont peur de les interroger. Il y a donc beaucoup d’hypocrisie dans leur église et la fréquentation diminue rapidement …

    Je pense que l’approche non-épiscopale et décentralisée du christianisme réformé est meilleure.

    Merci encore pour toute votre aide.

    Cordialement, en Christ,

    Scott

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