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Nanine CHARBONNEL, Jésus-Christ, sublime figure de papier,

Question d’un visiteur :

Cher marc, voilà une présentation de livre que j’ai reçue dans ma boite mail comme invitation. Je suis confrontée actuellement à ce genre de lecture qui m’ébranle fortement. La référence me parait solide puisqu’elle est préfacée par Thomas Römer. Je pense que vous pourriez vous joindre à ce débat. Faut il croire en Jésus Christ ou seulement au Christ? de toute façon, le message évangélique est porteur de vérité et d’amour.

En toute confiance, très cordialement.

  • Nanine Charbonnel « Jésus-Christ, sublime figure de papier » Depuis plusieurs siècles, les esprits critiques qui refusent à juste titre la foi en un Dieu fait homme croient pouvoir se replier sur une distinction faussement simple : entre un ‘’Jésus historique’’ (mais dont on ne sait rien) et un ‘’Christ de la foi’’ qu’on laisserait au domaine religieux. Cette position est une impasse, dont il est urgent de sortir. La véritable scientificité consiste à examiner comment les textes évangéliques appartiennent à la culture hébraïco-grecque du midrash : tout se passe dans le texte et uniquement en lui, conformément aux textes sacrés hébreux où la parole et la réalité ne sont pas différenciées. Il ne faut rien exclure de ce qui arrive aux personnages des Évangiles, miracles compris, puisque cela fait partie intrinsèquement de leur signification. De plus, la figure du personnage Jésus (Yeshoua, M. Salut) est le résultat d’une double ‘’personnification’’ : celle du peuple juif et de la présence de Yahwé dans son peuple.Les rédacteurs des Évangiles ont procédé à un admirable travail, en dehors de toute existence historique des personnages, et en dehors aussi des catégories que l’on a l’habitude de manier (légende, littérature, etc.). Il s’agit de textes entièrement symboliques, et entièrement élaborés dans le cadre du judaïsme de l’époque. Seule une confusion herméneutique, c’est-à-dire le fait de prendre au propre ce qui devait être pris au figuré, accentuée par la multiplicité des langues utilisées à l’époque (hébreu, araméen, grec), explique la croyance ultérieure en un homme existant. Nous devons tous nous réapproprier des oeuvres de pensée aussi étonnantes.

 

Réponse d’un pasteur :

Chère Madame

Merci pour cette information, intéressante.

Ce genre de littérature n’est pas inutile à lire, car elle développe des idées intéressantes sur le sens même des évangiles, en particulier avec une méthode d’interprétation rabbinique qui n’est pas étrangère au milieu de composition et de réception des textes du Nouveau Testament. Ce livre est dans la lignée de l’œuvre de Bernard Dubourg « L’invention Jésus » de 1987, auteur à la plume aussi cultivée que truculente.

D’un autre côté, cette littérature s’apparente à ces complotistes qui disent par exemple qu’aucun astronaute n’a marché sur la lune. Cela fait un peu sourire, ou un peu pitié si l’on est plus charitable. Que leur répondre ? Quelle preuve peut-on avancer que les américains ont vraiment marché sur la lune ? Il y en a quand-même une, qui me semble assez probante : c’est que Russes, en pleine guerre froide, n’ont accusé une seconde les américains de ne pas avoir marché sur la lune. Il en est de même pour l’existence historique de Jésus. Aucun opposant au christianisme des dizaines de premières générations, et il y en avait, n’a utilisé d’argument du genre « votre fondateur n’a même pas existé, ce ne sont que des légendes ». Les opposants disaient plutôt qu’il était sorcier et source de zizanie, ou fondateur d’une détestable secte…

C’est comme pour l’évolution dans l’univers, quelques scientifiques enseignants dans une grande université et préfacés par un prix Nobel peuvent dire que la science aura du mal à réfuter les preuves accumulées dans leur thèse prouvant que les dinosaures existaient il y a cinq mil ans. Mais l’immense majorité des scientifiques sont d’un autre avis. Il en est de même pour l’existence de Jésus,il y a une quasi unanimité parmi les historiens pour dire qu’il y a une personne historique. Ce n’est pas une preuve de l’existence historique de Jésus, mais c’est une question de plausibilité.

Mais de toute façon, vous avez raison. L’immense intérêt des Evangiles demeurerait même si l’homme Jésus n’avait pas existé. Mme Charbonnel le reconnait elle même. De toute façon nous sommes bien d’accord depuis toujours qu’il convient de distinguer la figure du Christ dans ces textes et l’éventuelle personne historique de Jésus de Nazareth. De toute façon, il y a bien eu une personne géniale entourée de quelques autres qui ont initié cet incroyable enthousiasme christique. Qu’importe si le nom de cette personne géniale est « Jésus » (« Josué ») ou Tartempion. Reste qu’il y a eu un événement datable historiquement, et quelque chose de très inspirant qui a changé la face du monde.

Cette question un polémique de l’existence ou non du Jésus historique n’est pas si intéressante, à mon avis. Cela est et restera toujours en dehors de toute preuve possible. On ne pourrait même pas apporter un preuve scientifique irréfutable de l’existence d’aucun personnage historique. Car même si nous pouvions tous nous téléporter en l’an 30 quelque chose, et témoin direct d’une personne à barbichette déclamant les Béatitudes en Araméen du côté de Capernaüm, certains diraient que c’est bien Jésus, que c’est la preuve. D’autres pourraient toujours dire que c’est un comédien payé par l’office du tourisme du Vatican… et nous ne pourrions pas trancher non plus de façon ferme et définitive.

Mais il n’y a rien de grave à s’intéresser avec bienveillance et même passion à ce que cette dame s’est donnée la peine d’écrire.Au contraire. Les références sont effectivement encourageante : professeure de philosophie aux universités de Genève et Strasbourg, préface par Römer… Je pense que je vais aller m’acheter ce livre.
Avec mes amitiés fraternelles

Marc

pasteur Marc Pernot

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Une Réponse à “Question : Faut-il croire au Jésus historique ou seulement au Christ ?”

  1. Jean Kalman dit :

    Monsieur le Pasteur,

    Je vous sais gré d’avoir accepté de réagir à la publication d’un ouvrage au titre peut-être inutilement provocateur.

    L’exégèse historique et critique des textes bibliques est pratiquée peu ou prou depuis trois siècles. Pourtant, ses résultats sont largement ignorés du public profane (y compris savant) comme du peuple croyant, qui continue à lire  » naïvement  » la Bible et les Evangiles : ils sont le récit de ce qui est vraiment arrivé, quand ils ne demeurent pas purement et simplement le livre des certitudes et des solutions.

    Ce constat de Jean-Louis Schlegel date de bientôt 30 ans (Le Monde du 29 septembre 1988). Les choses n’ont guère changé. La fracture n’est peut-être pas toujours entre catholiques (ce que je suis) et protestants, voire entre chrétiens et Juifs ou musulmans mais entre la masse des fidèles et ceux qui ne répugnent pas à une approche critique de leur tradition. Le livre de Nanine Chabonnel m’a enlevé une épine du pied… Elle n’est pas loin de ce qu’affirment bien des exégètes oui, Jésus a existé mais on ne peut rien en dire. En effet, à chaque fois que l’on s’interroge avec rigueur sur tel ou tel épisode relaté par les évangélistes force est de convenir qu’à côté de tel élément confirmé par les archéologues on trouve un détail qui rend la scène improbable, incompréhensible ou invraisemblable.

    Comme tout chrétien je confesse que Jésus fut mis à mort sur une croix mais j’entends les exégètes qui me disent qu’ils sont incapables d’expliquer les raisons de cette exécution. L’expulsion des marchands du Temple, souvent citée, nourrit notre imaginaire mais venez à Lourdes et essayez de vous en prendre aux symboles mariaux vous verrez si vous pourrez agir très longtemps. Comment croire que des pharisiens (les pharisiens ???) voulaient la mort d’un homme qui aurait opéré une guérison le jour du shabbat (Marc, ch. 3) ? Aux yeux des Romains, le rendez à César aurait-il mis Jésus au rang des sicaires et autres terroristes de l’époque ? Force est de constater que, pour écarter les invraisemblances, nombre de prédicateurs catholiques préfèrent diaboliser les pharisiens et parfois les Juifs sans se rendre compte qu’ils sapent les fondement de l’amour universel dont ils se réclament.

    Alors que les ouvrages grand public sur ‘la véritable histoire de Jésus’ obligent à des contorsions ou des simplifications abusives l’explication par les textes de la Torah ou par les Midrashim que j’ai découvertes dans le livre de Mme Charbonnel (j’évite de reprendre le titre) nous ouvre de vastes perspectives de liberté et de réflexion. Place est faite aux classiques d’hier (Saint Augustin, saint Jérôme, Richard Simon) et d’aujourd’hui (Ricoeur, Beauchamp, Römer) mais aussi aux Juifs (Boyarin, Mireille Hadas-Lebel, M-A Ouaknin) et aux ’marginaux’ (Dubourg, Le Maguer, Mergui).

    Des notions classiques comme celles d’incarnation, d’accomplissement ou encore de salut sont repensées à la lumière de la pensée juive et de la réflexion moderne sur le discours. Elles deviennent accessibles à ceux, dont je suis, qui ont été interpellés par la pensée de Dietrich Bonhoeffer sur le « christianisme sans religiosité » ou qui pensent que la tradition juive a quelque chose à apprendre aux chrétiens.

    Le livre de Nanine Charbonnel est une bonne nouvelle pour tous ceux qui veulent réfléchir et ‘preach(ing) the Gospels without blaming the Jews’ [‘prêcher les évangiles sans porter d’accusation contre les Juifs’ – titre d’un livre publié en 2004 aux Etats-Unis]. C’en est une moins bonne pour ceux qui pensent que ce serait perdre leur temps que d’aller parler ‘midrash’ avec le rabbin d’une communauté juive d’aujourd’hui…

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